Éditorial 2022/4
« Tout vient à point à qui sait attendre »
Ovid (43 av. J.-C. – 17 ap. J.-C.), poète romain
Chers membres de la SFO, Chères et chers Camarades,
La guerre en Ukraine fait rage depuis plus de six mois. La Chine renforce son jeu de muscles vis-à-vis de Taiwan et poursuit son expansion en mer de Chine méridionale. La menace d'une pénurie d'énergie inquiète les autorités et les citoyens en Europe. Et en même temps, dans notre pays, les opposants à l'avion de combat F-35 déroulent leurs slogans habituels lors du débat final au Conseil national : le gouvernement américain assis dans le cockpit, parallèles avec le scandale du Mirage, l'offre à prix fixe de Washington. Américains contre Européens. Les méchants bombardiers, non merci. Un peu de police du ciel suffit.
Les arguments semblent venir d'une autre époque, quelque peu irréels. Ils ne convainquent pas et c'est ainsi que l'éternel va-et-vient autour de l'acquisition du F-35 prend fin une bonne fois pour toutes. Les deux chambres confirment la décision du Conseil fédéral concernant le type d'avion : l’Armée suisse va acquérir le F-35 comme nouvel avion de combat. Quelques jours plus tard, la conseillère fédérale Viola Amherd signe le contrat avec le gouvernement américain et la coalition contre le F-35 décide de retirer son initiative. Les Etats-Unis ont donné à la Suisse des moyens puissants en lui faisant une très bonne offre pour le F-35 et le système de défense sol-air Patriot. Le F-35 représente un saut quantique technologique pour l'Armée suisse. De plus, notre pays s'est laissé beaucoup plus de liberté d'action politique avec le système américain qu'avec un type européen, car le F-35 est en passe de devenir la plateforme standard dans le monde occidental. Il en résulte beaucoup plus de possibilités de coopération : multilatérale dans le cadre de l'OTAN, mais aussi bilatérale.
Alors que les discussions sur un accord-cadre entre la Suisse et l'UE ont échoué, il existe toujours une marge de manœuvre en matière de coopération internationale dans le domaine de la politique de sécurité. En principe, ce serait une bonne situation de départ pour des négociations dans le cadre de la politique de sécurité européenne. Mais c'est justement le voisin occidental qui est en colère contre la Suisse. Le Conseil fédéral a froissé le président français Emmanuel Macron et son gouvernement : non pas avec la décision en faveur du F-35, mais avec les signaux contradictoires que notre gouvernement a envoyés au début de l'été 2021. Alors qu'il était clair depuis longtemps pour le DDPS que le F-35 présentait de manière irrattrapable le meilleur rapport coût-efficacité lors de l'évaluation et qu'il n'y avait donc plus de marge de manœuvre pour des contreparties politiques, les discussions des autres départements avec Paris se poursuivaient... Entretenir des relations avec la France semble désormais plus important que jamais.
Après la fin du débat sur les avions de combat, il y a cependant à nouveau un peu de place pour des discussions fondamentales autour de la politique de sécurité suisse. Les changements massifs dans l'architecture de sécurité européenne et mondiale exigent notamment une réflexion sur l'organisation de notre neutralité. Les conditions-cadres semblent claires : les obligations légales de neutralité sont la base de la politique de sécurité suisse et plus la Suisse interprète strictement sa neutralité, plus elle doit pouvoir tenir longtemps de manière autonome sur le plan militaire.
Le renouvellement des moyens de protection de l'espace aérien est un premier pas dans cette direction. La modernisation des troupes au sol ne doit toutefois pas être négligée pour autant.
Vive le Canton de Fribourg !
Vive l’Armée Suisse !
Maj EMG Patrick Noger
Président